« Histoires du carnet anthropométrique » un documentaire de Raphaël Pillosio

SYNOPSIS

En 1912, dans le cadre d’une loi visant à contrôler le commerce ambulant, la République Française imposait le port d’un Carnet Anthropométrique d’identité à une catégorie administrative créée à l’occasion, les « Nomades.
A travers la restitution aux familles concernées , de photographies contenues dans les Carnets Anthropométriques, le film dresse un portrait de l’intérieur de l’extraordinaire hétérogénéité des «Gens du Voyage ». En contre-point, des historiens réfléchissent aux conséquences de cette loi. En interrogeant la permanence d’une exception juridique au cœur de la République Française, ce film propose de réfléchir à la situation passée et actuelle des  Gens du Voyage.

 70 minutes Format de diffusion: DCP, Béta Num. DV CAM. DVD 2012·
2012 – une co-production l’atelier documentaire / TV Tours
avec le soutien du CNC, de la Région Aquilaine. de la Procirep-Angoa et de l’Acsé avec la participation du Ministére de la Culture de la Communication – Direction Générale des Patrimoines -Mission du Patrimoine Ethnologique
Contact
: l’atelier documentaire
101 rue Porte-Dijeaux 33 000 Bordeaux
atelierdocumentaire@yahoo.fr
05 57 34 20 57 / 06 12 50 18 00
www.atelier-documentaire.fr*
dossier de presse

ENTRETIEN AVEC RAPHAËL PILLOSIO

Quel est l’origine de votre projet?

En 2010, j’ai réalisé un documentaire des Français sans Histoire où des témoins âgés racontaient leur internement en France durant la Seconde Guerre mondiale, lors de la préparation de ce film, j’ai découvert l’existence des Carnets Anthropométriques qui étaient imposés â toute personne qui entrait dans la catégorie de « Nomades ». Ces documents comportaient des renseignements très précis sur les individus: leur généalogie, leurs empreintes digitales, les mesures de différentes parties du corps, et des photographies de face et de profil. J’ai tout de suite pensé qu’il fallait que les familles qui ont eu des parents catégorisés comme « Nomades » retrouvent ces photographies.  Donc, l’idée de départ du film, c’était de restituer ces photographies aux familles. surtout que certaines d’entre elles ont très peu de photographies de leurs ancêtres. Ensuite m’est venue l’envie de mêler ces restitutions de photographies à un film sur la loi de 1912 et par un prolongement logique, au statut actuel des « Gens du Voyage ». Cet enchainement m’est apparu comme une évidence.  Ces lois sont au cœur de la vie d’une catégorie de la population française depuis un siècle. Et elles sont complètement ignorées ! Quand aujourd’hui je parle du Carnet de Circulation, mes interlocuteurs sont incrédules : comment comprendre qu’aujourd’hui encore des français subissent un accès discriminatoire au droit de vote, sont obligés d’avoir une commune de rattachement qu’ils ne peuvent pas choisir librement et sont contraints de faire signer un « visa intérieur » tous les trois mois à la Gendarmerie?

PourquoI, lors des restitutions des photographies aux familles, qui sont toujours un moment d’êmotion, vous filmez parfois leurs conditions de vie?

Le cœur du film, c’est cette Loi de 1912. Confronté à des familles qui vivent dans des conditions très difficiles, je m’interroge sur les raisons de cette précaritéqui dure dans le temps et qui s’est installée dans le paysage : est-ce que l’existence d’une catégorie, d’abord celle de « Nomades », puis celle de « Gens du Voyage » n’a pas permis qu’existe une sorte d’état d’exception tolérable aux yeux de l’Etat bien sûr mais aussi aux yeux de tous les citoyens ?

Il est assez surprenant de constater que même dans des situations de grande précarité, les « Gens du voyage «  restent à l’écart des grands élans de solidarité. Et que bien souvent, ils demeurent les boucs émissaires préférés des politiques. Est ce que certaines situations que j’ai filmées: une famille qui vit dans un bois sans eau, sans électricité depuis 12 ans, une autre famille placée dans un trou sous une rocade périphérique depuis 15 ans, seraient tolérables si cette catégorisation n’avait pas existé? C’est une piste de réflexion que je souhaitais aborder, jusqu’à quel point les lois ont influencé et influencent encore la situation actuelle des «Gens du Voyage »?

PourquoI avez vous choisi de faire intervenIr des historiens ?

Compte tenu de la complexité de la Loi de 1912, j’avais besoin d’un éclairage précis sur la réalité du Carnet et seuls des spécialistes pouvaient apporter certaines réponses. Surtout, je voulais filmer les réflexions d’Henriette Asséo et d’Ilsen About sur les conséquences de cette Loi. Si bien que ce que l’on voit à l’écran est assez original: d’habitude les historiens et les témoins d’un même film évoquent les mêmes faits, l’un d’après son vécu, l’autre d’après un savoir scientifique. lci, j’ai essayé autre chose : les historiens parlent de la Loi de 1912 et nous font imaginer le quotidien induit par une telle Loi tout en apportant une dimension réflexive. Les familles filmées parlent de tout autre chose : des personnes photographiées, de leur propre parcours, de leurs conditions de vie, des lois qui les concernent aujourd’hui. Cette pluralité de témoignages, de discours à partir d’un même document, relie tous les participants du film.