Des carnets et de leurs usages

A partir de la mise en place des carnets anthropométrique, les familles « nomades » vivent en permanence sous le regard de la police.
Toute personne de plus de 13 ans est tenue d’avoir en permanence ce document sous peine de prison.Ce carnet anthropométrique individuel compte plus de 120 pages. Il a un double  objectif l’identification des personnes et le contrôle de leur circulation.

Couverture et pages intérieures du carnet anthropométrique collectif de la famille Gimenez, délivré par la préfecture de Haute-Garonne en 1932. Il a été retrouvé dans les archives du camp d’internement de Saliers. (Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Marseille)

L’identification s’opère par  la photographie (face et profil) et la description physique détaillée :
Hauteur de la taille, mensurations du buste, dimensions du dos, diamètre Bizygomatique (largeur du visage), et de la base du nez, envergure, longueur et  largeur de la tête, longueur de l’oreille droite,  longueur des doigts médius et auriculaire gauches, coudée gauche, pied gauche, couleur de l’iris gauche (auréole, périphérie etc.), description des cheveux, de la barbe, pigmentation et sanguinolence du teint,  âge apparent ainsi que les empreintes digitales.

« Comment on mesure les nomades », Le Matin ,12 décembre 1913 (source Criminocorpus)
Le carnet individuel comporte également des renseignements sanitaires et mesures prophylactiques auxquels sont soumis les « nomades » suspectés de véhiculer microbes et maladies.L’attribution du carnet « forain » ou du carnet anthropométrique « nomade » par l’administration s’établit parfois sur des critères arbitraires comme en témoigne Raymond Gurême.Le carnet « nomade » est disqualifiant et certains tentent d’y échapper comme le montrent  les courriers présentés dans l’extrait du  catalogue de l’exposition « Vos Papiers SVP » des Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence.
Les autorités peuvent suivre les « nomades » au jour le jour
Le contrôle des déplacements se fait à la gendarmerie, la police où le cas échéant à la mairie.Tout carnet individuel doit être visé à chaque entrée et à chaque sortie du territoire de la commune avec mention du jour de la date et de l’heure.
Le contrôle des nomades s’opère de surcroît au travers du carnet collectif que tout chef de famille doit avoir en sa possession. Y figure l’identification des tous les membres de la famille dont les enfants à partir de l’âge de deux ans. Lors des contrôles qui peuvent être quotidiens, tous les membres figurant sur le carnet doivent être présents.
Les roulottes doivent également être identifiables. Tout véhicule doit en effet comporter une plaque d’immatriculation comprenant un n° individuel et la mention « loi du 16 juillet 1912 » les rendant ainsi immédiatement repérables par la police et la gendarmerie.

L’administration organise le fichage des données
L’émission des carnets est assortie de notices conservées par l’administration. Chaque modification sur un carnet fait l’objet d’une nouvelle notice. Pour le carnet individuel, les notices sont conservées dans les préfectures et sous préfectures et un duplicata est déposé à la direction de la Sûreté générale. Il en est de même pour les carnets collectifs.
LIRE :
BORDIGONI Marc. « Un souvenir des carnets et de leurs usages »
, in Etudes Tsiganes, n°26, 2006, pp. 86-89

SUTRE Adèle. « La mobilité bohémienne à travers les carnets anthropométriques » in « Les Bohémiens du pays ». Une inscription territoriale des Bohémiens dans le Sud-Ouest de la France au XIXème et au début du XXème siècle, Mémoire de Master 2 ,EHESS, 2010