Loi 1912

 Surveillance, identification, contrôle

'Les camps-volants. Recensement des bohémiens en France' .Petit Journal, 5 mai 1895

Dans quel contexte s’inscrit la loi de 1912 sur la circulation des nomades ?

Quels sont les facteurs sociaux, politiques, idéologiques qui concourent à la promulgation de ce dispositif législatif ? Les étapes qui en marquent la genèse sont examinées ici : du recensement de tous les « nomades, bohémiens et vagabonds » de 1895, au fichage« des nomades » selon le système Bertillon par les brigades mobiles à l’initiative de Clémenceau, ainsi que les projets de loi et débats parlementaires nourris d’arguments sécuritaires, stéréotypés et xénophobes.
LIRE :
DELCLITTE Christophe. La catégorie juridique « Nomade » dans la loi de 1912 in Revue Hommes et Migrations, n°1188-1189, juin-juillet 1995

FILHOL Emmanuel. «La loi de 1912 sur la circulation des « nomades » (Tsiganes) en France» in Revue européenne des migrations internationales, vol. 23 – n°2, 2007

Comment la République « une et indivisible » et garante de la liberté d’aller et venir de ces citoyens a-t-elle pu construire une catégorie administrative spécifique « les nomades » ?
La fabrication d’une figure fantasmée du tsigane international franchissant les frontières sans contrainte concourt à la construction de ce processus législatif qui préfigure le développement d’un nouveau mode de contrôle des individus, spécifique à l’Etat moderne.
LIRE :
PIAZZA Pierre. «Au cœur de la construction de l’Etat moderne. Sociogenèse du carnet anthropométrique des nomades » in Les Cahiers de la sécurité intérieure, 48, 2002

ABOUT Ilsen. « De la libre circulation au contrôle permanent » in Cultures & Conflits  4/2009 (n°76)

Comment l’application de la loi s’est elle opérée ?
La loi distingue trois catégories : celle des ambulants et celle des forains et une troisième suspecte par nature, celle des nomades. L’article 3 précise que « sont réputés nomades (…) quelle que soit leur nationalité, tous individus circulant en France sans domicile ni résidence fixe et ne rentrant dans aucune des catégories ci-dessus spécifiées, même s’ils ont des ressources ou prétendent exercer une profession ». L’inscription des itinérants dans ces catégories respectives et l’application de la loi par les forces de police et de gendarmerie s’avère complexe.

Quels furent ses effets et ses conséquences ?
Censée contraindre les déplacements des nomades et favoriser leur assimilation à la société sédentaire, la mise en place des carnets anthropométriques, notamment celle des carnets collectifs obligeant les familles tsiganes à voyager ensemble a eu l’effet paradoxal de souder leur identité.
A l’échelle européenne, les Tsiganes ont formé l’une des populations les plus surveillées de l’entre deux guerre et l’instauration d’un régime d’exception dans tous les pays européens dès les années 20 a préfiguré les sombres temps de la guerre. La loi de 1912 fut en France, le cadre juridique de l’internement des Tsiganes pendant  la Seconde Guerre mondiale.
LIRE :
ASSÉO Henriette. «La gendarmerie et l’identification des « nomades » (1870-1914)» in Luc Jean-Noël, éd., Gendarmerie, État et Société au XIXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 301-311, Université Paris VIII, 1995

ASSEO Henriette. « Pourquoi tant de haine ? L’intolérance administrative à l’égard des Tsiganes de la fin du XIXème siècle à la veille de la seconde guerre mondiale » in Diaspora n°10, Presses Universitaires du Mirail, 2007